Derinkuyu, ou « puits profond », est bien plus qu’une simple ville. C’est un labyrinthe d’histoire et de mystère situé en Anatolie centrale, en Turquie. Ce lieu impressionnant mérite d’être exploré.
Les habitations souterraines de Derinkuyu trouvent leurs origines au Vᵉ et IVᵉ siècles avant JC. Les écrits de Xénophon mentionnent déjà des maisons creusées dans la terre, où des familles vivaient avec leurs animaux et leurs provisions. Au fil des siècles, cette ville souterraine a grandi, notamment au début de l’ère byzantine. Les vestiges les plus récents datent du Xᵉ siècle.
Mais Derinkuyu n’est pas seulement une curiosité historique. Elle a également joué un rôle crucial dans la survie de divers groupes de populations. D’abord, les premiers chrétiens grecs ont trouvé refuge ici, échappant aux persécutions de l’Empire romain au IIIe siècle. Puis, au VIIe siècle, ils ont de nouveau trouvé refuge, cette fois face aux persécutions des Omeyyades et des Abbassides.
Pendant des années, Derinkuyu a abrité des chrétiens orthodoxes face aux autorités ottomanes. Même au XXe siècle, ces abris étaient utilisés pour échapper aux vagues de persécutions ottomanes. Cependant, avec le départ forcé des chrétiens orthodoxes vers la Grèce en 1923, ces tunnels ont été abandonnés et oubliés par les habitants musulmans sunnites de la région.
La découverte de l’entrée a été totalement fortuite en 1963, lorsqu’un résident local a démoli un mur de sa maison pour l’agrandir. En 1969, la ville a été partiellement ouverte aux visiteurs, mais seulement 10 % de son immense réseau est accessible. Jusqu’à présent, huit étages ont été dégagés, atteignant une profondeur d’environ 85 mètres.
Le génie de Derinkuyu réside dans ses portes en forme de meules de pierre circulaires, pesant entre 200 et 500 kg, qui pouvaient être utilisées pour sceller chaque étage individuellement. Des puits et cheminées d’aération, certains atteignant 30 mètres de profondeur, étaient une caractéristique unique, mais pouvaient aussi être une faiblesse potentielle. Les envahisseurs ont tenté de les empoisonner pour s’emparer de la ville.
La cité était une œuvre d’ingénierie complexe. Elle comprenait des lieux de culte, des zones de stockage, des étables, des pressoirs à vin et à huile, des cuisines, des réfectoires, et même une salle de classe religieuse. Entre le troisième et le quatrième niveau, un escalier abrupt mène à une église cruciforme de 10×25 mètres et 2,5 mètres de haut.
L’ensemble de ces aménagements et la taille colossale de la ville ont permis d’accueillir jusqu’à 10 000 personnes, mais étaient conçus pour héberger environ 3 000 habitants sur de longues périodes.
Nous avons planifié notre visite à l’ouverture, nous nous sommes retrouvés seuls dans les couloirs étroits, une expérience qui, malgré tout, nous a donné une idée de ce que signifiait la claustrophobie. La ville de Derinkuyu est une merveille enfouie, un témoin silencieux de siècles d’histoire et d’ingénierie.